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paysans et ça te rapportera quelques sous, et si tu es prisonnier dans une ville, on pensera de toi que tu es un jeune homme distingué, appartenant à une bonne famille et cela t’ouvrira les sociétés et te fera faire de bonnes connaissances. Et puis, il faut que tu dormes sur l’affût d’un canon comme sur un lit, et pour t’y habituer, tu vas coucher pendant huit jours sur une couverture, attachée sur le parquet par quatre clous. »

— Ma cousine disait à M. Colardez : « On dit que vous gâtez terriblement votre enfant ?

— « Madame, j’en ai perdu un ! »

N’est-ce point un mot d’esprit du cœur ?

26 juin. — Il n’y a point de théâtre ici. Je m’en vais au tribunal voir juger, un jour de police correctionnelle.

Une salle blanchie à la chaux, où passe le tuyau d’un poêle, et où un Christ mal peint qui regarde un Napoléon en plâtre. Une petite servante de treize ans est sur un banc, une malheureuse enfant : elle gagnait quatre francs par mois chez une femme qui l’accuse de vols de liqueurs et de sirops.

La Justice est là, avec la cravate blanche et les lunettes d’or du président. Un jeune substitut replet, le coude sur son code, avec une désinvolture de blasé dans une loge d’Opéra. En face, le greffier qui a l’air d’un diable de Nuremberg. Puis, en bas du tribunal, la face plate et les yeux bordés de jambon,