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parodie des Causes célèbres qui avait lieu dans le grand billard du père Flaubert, à l’Hôtel-Dieu, à Rouen. On y prononçait les plus cocasses défenses d’accusés, des oraisons funèbres de personnes vivantes, des plaidoiries grasses qui duraient trois heures.

Le Garçon avait toute une histoire, à laquelle chacun apportait sa page. Il fabriquait des poésies, etc., etc., et finissait par tenir un Hôtel de la Farce, où il y avait la Fête de la Vidange… Homais me semble la figure réduite, pour les besoins du roman, du Garçon.

Jeudi 12 avril. — Nous partons, ce matin, pour le plus ennuyeux voyage d’affaires du monde, un rembaillement de fermes, qui est le fond de nos ennuis et de nos préoccupations depuis un an…

Le lendemain à Chaumont, il faut attendre jusqu’à trois heures la voiture… Nous attendons sur un petit banc de bois d’où l’on voit la grande place de la ville, et l’Hôtel de ville, aux heures tombant avec un bruit de glas. Ce sont de grosses servantes, crevantes de santé, les joues presque bleues de sang, qui traversent la place. Après les servantes, défilent lentement un, deux, trois, quatre, cinq individus. On compterait les allants et les venants sur ses doigts… Puis un chien qui fait, comme un homme, le tour de la place, puis un autre… Ah ! une femme en chapeau ! Il y a, au milieu de la place, une petite voiture — boutique de mercerie, où personne n’achète… À deux heures la marchande ferme et s’en va bien contente. Il y a quelque chose de plus mort que la mort ; c’est