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de bruyère dans l’ombre. Elle monte, la petite côte, hérissée d’échalas flambants, comme des piques au soleil, et au bas desquels, sous l’abri de quelques feuilles recroquevillées et écarlates, des grappillons brillent comme des perles noires.

Sur le petit sentier serpentant par la côte, et derrière les caprices de la haie, l’écho retentissant des sabots d’une vendangeuse, dont la chemise blanche éclate, de temps en temps, à travers les trous de la haie, et que l’on voit, d’une main, abaissant son chapeau de paille sur les yeux. Partout, montant et descendant, des hommes qui portent la hotte, la tête inclinée en avant, les bras ballants, et partout, çà et là, dans le vignoble, et tout là-bas, où ils ne sont que des points rouges, des points bleus, des reins baissés de femmes, que relèvent en plis puissants les courts cotillons. Tout bruit, chantonne et rit. Et la parole, et l’attaque, et la riposte soudaine, par des voix comme grisées, et que semble applaudir, à la cantonade, la batterie sonnant creux des marteaux sur les futailles vides…

 

Sous le hangar aux vieilles poutres, couleur de glaise, là, près des tonneaux rangés en ligne sur un plan incliné, en un air enivré de l’odeur du raisin qui fermente, et dans lequel roulent, les ailes lourdes, des mouches à miel, au milieu du murmure du vin qui coule, goutte à goutte, faisant dans les rigoles de la chanlatte, un ruisseau rouge, sur lequel surnage une mousse rose et comme