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meraient plus… je serais obligé de posséder des femmes à vingt sous… je deviendrais abject et repoussant, et alors… »

— Jamais siècle n’a plus blagué, même dans le domaine de la science. Voilà des années que les Bilboquets de la chimie et de la physique nous promettent, tous les matins, un miracle, un élément, un métal nouveau, prennent solennellement l’engagement de nous chauffer avec des ronds de cuivre dans de l’eau, de nous nourrir ou de nous tuer avec rien, de faire de nous tous des centenaires, etc., etc. Tout cela, des blagues grandioses qui mènent à l’Institut, aux décorations, aux traitements, à la considération des gens sérieux. Et pendant ce, la vie augmente, double, triple, décuple, les matières premières de l’alimentation manquent ou se détériorent, la mort même à la guerre ne progresse pas, — on l’a bien vu à Sébastopol, — et le bon marché est toujours le plus mauvais marché du monde.

18 janvier. — Été hier au bal masqué. Voici une chose grave, plus grave qu’on ne croit : le Plaisir est mort. Ce rendez-vous de l’imprévu, ce coudoiement de rencontres, cette foire de romans d’aventure, ce feu roulant de reparties, ce carnaval de la gaieté et de l’amour, cette folie, cette joie démente d’une jeunesse furieuse, qui sautait douze heures sous l’archet de Musard, la fouettant et la refouet-