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de son nom, qu’il la portait au Gymnase où le portier voulait bien le laisser monter chez M. de Montigny, qu’il obtenait une lecture, une réception, — et qu’enfin à la représentation, il se faisait claqueur.

10 décembre. — Visite au père Barrière des Débats, qui est malade, souffreteux.

Un puits d’historiettes que ce vieillard aimable. À propos d’un charmant portrait de la Duthé, que nous lui disons se trouver chez Mme de Boigne, et provenant d’un legs fait à un d’Osmont par l’abbé de Bourbon, lors d’une maladie dont il crut mourir, il nous raconte qu’il a vu la Duthé, étant encore tout enfant. Le père de Barrière était joaillier de la Reine, et, un jour, une belle dame vint choisir chez son père des bijoux. La mère de Barrière, une très jolie femme, mais, comme toute jolie femme, assez récalcitrante à la reconnaissance de la beauté de ses semblables, lui demanda comment il trouvait cette dame, et comme il disait qu’elle était tout à fait gentille : « Oh ! elle a un trop grand cou ! » s’écria Mme Barrière. C’était la Duthé.

De la grande impure, je ne sais plus par quel tour et quel saut, la conversation va à Thiers, et Barrière nous conte encore cette curieuse anecdote sur l’homme d’État. Il y a de cela longtemps — Thiers avait 23 ans — et il venait souvent dîner chez Barrière, dans son petit appartement de la rue de Condé. Barrière avait gardé de son enfance des soldats de plomb. Après dîner, tous deux les rangeaient sur