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— Asselineau couché et endormi.

La femme du libraire *** ouvrant les volets de la chambre d’Asselineau, et s’asseyant sur le pied de son lit, en disant :

— « Ah ! quelle journée, le beau temps pour aller à la campagne !

Asselineau s’étirant sous un rayon de soleil qui lui chatouille la figure :

— À la campagne, à la campagne, je n’ai pas le sou !

— Pas le sou, allons donc ! — reprend la femme du libraire, — et tous ces petits bouquins-là, n’est-ce pas de l’argent… de l’argent que vous aurez quand vous le voudrez… Tenez, combien cela ?

Et hanchant coquettement, elle tient au-dessus de sa tête, entre ses deux mains, toute une rangée de livres.

— Au diable, à tous les diables … mes livres, mes chers livres… Voulez-vous vous sauver, coquine !

— Voyons, combien ? reprend la femme avec un sourire plein de confiance, oui, combien ? On vous donnera ce que vous voudrez !

Asselineau, contemplant l’azur du ciel, jette au hasard un prix. La femme se rapproche de très près, lui murmure : « Vous n’êtes pas raisonnable ! » et l’en persuade si tendrement, qu’il accepte le prix qu’elle lui offre.

Et la femme emporte les livres chez son mari, et revient bientôt avec l’argent, — qu’elle va manger avec Asselineau à la campagne.