Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous les gagistes des feuilles de chou. Sans qu’on s’en doute, cet avènement de la Bohème : c’est la domination du socialisme en littérature.

— Les croque-morts ont vingt sous par papillotte : ainsi on appelle les cercueils d’enfants.

Mai. — Divan de la rue Le Peletier. Un petit mauvais lieu fort bête, où s’assemble, le soir, un ramassis de messieurs, qui sont aux lettres ce que sont les courtiers de journaux au journalisme. Celui-ci, après avoir plié les bandes de je ne sais quel canard, est au contrôle d’un petit théâtre des boulevards ; celui-là, au nez duquel on serait tenté d’allumer un cigare, a vu Alfred de Musset écrire… et ainsi des autres. J’allais oublier un original, un certain Fioupou, en grande dispute, par correspondance, avec Émile Saisset, sur le platonisme chrétien, et tout au logos, et parlant toujours et toujours exégèse… À l’heure présente, Barthet est le grand homme de l’endroit, un poète du Danube qui porte des souliers ferrés, et brandit un gourdin en l’honneur de Boileau… On y boit de la mauvaise bière, on y fait un mistron… Gavarni, qui n’y est allé qu’une fois, assure qu’on y scie les pommes de canne, quand elles sont en or.

— J’ai eu quelques secondes d’une jolie contemplation : Marie les cheveux aux bandeaux joliment ondulés, les yeux morts, les paupières battantes, la