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déjà un si joli petit museau de soubrette, Berthe qui embrassait le fond de mes casquettes et collectionnait, dans une boîte, les noyaux des pêches mangées par moi, Marie qui avait les plus beaux cheveux et les plus beaux yeux du monde.

Puis il y avait la comédie ! oh ! la comédie, c’était le grand bonheur, le plaisir des plaisirs, la joie suprême de chacun de nous ! Le théâtre était dans la serre : un théâtre au grand complet, un théâtre qui avait une toile représentant la Ganachière, des décors, une galerie, et jusqu’à une loge grillée ! Un théâtre où le tonnerre était très convenablement fait par le bonhomme Ginette, tapant avec une paire de pincettes sur une feuille de fer-blanc. Et savez-vous le rouge qu’on nous mettait, du rouge à 96 francs le pot, conservé par Mme Péan de Saint-Gilles et qui venait de Mme Martin, la femme du vernisseur du XVIIIe siècle et la mère du chanteur, et l’on nous recommandait de l’économiser, s’il vous plaît. Ah ! les beaux costumes de hussards que nous avions dans le Chalet ! La magnifique perruque que portait Louis dans M. Pinchon ! Et comme j’étais grimé, et comme M. Pourrat m’avait joliment fait de la barbe avec du papier brûlé, si bien que je parlais à Edmond, sans qu’il me reconnût.

Que d’incidents, de compétitions, de surexcitations d’amour-propre, à ces répétitions conduites par le père Pourrat, qui nous citait des axiomes dramatiques de Talma ! Et les charmants enfantillages au milieu de tout cela, et l’amusante colère de