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18 septembre. — De Paris à Gisors. Dans la verdure, au-dessus d’un mur, deux cordes allantes et venantes, auxquelles sont attachées deux mignonnes mains roses : une balançoire où se balance un petit être qu’on ne voit pas.

26 septembre. — Je suis à Gisors, et comme une ombre riante, toute mon enfance se lève devant moi. Mes beaux petits souvenirs fanés reprennent la vie dans ma tête et dans mon cœur, comme un herbier qui refleurirait, et chaque coin du jardin ou de la maison est pour moi comme un rappel, une retrouvaille, et aussi comme la tombe de plaisirs qui ne recommenceront plus. Tous alors nous étions des enfants, ne songions qu’à être des enfants, et c’étaient des vacances remplies à déborder de passe-temps sans déboires et de bonheurs qui avaient des lendemains. Que de fois, ce perron tout mangé de roses, nous l’avons descendu en sautant pour bondir plus vite sur la grande pelouse. Les camps des barres étaient : l’un sous ce grand arbre ; l’autre à côté du massif de lilas. Quelle émulation folle et joyeuse ! Quelles courses endiablées ! Que de courbatures guéries par d’autres courbatures ! Que de feu ! que d’élan ! Je me souviens avoir hésité, trois secondes, à me jeter dans la rivière au bout du parc, pour n’être pas pris.

Aussi, quel paradis d’enfants était cette maison ! quel paradis ce jardin ! Il semblait vraiment ordonnancé pour les jeux d’enfants, cet ancien couvent