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sa baignoire où l’on versait de l’eau trop chaude, ce qui faisait dire au révolutionnaire : « Je bous, je bous ! » Où diable nos intelligences d’enfants avaient-elles été chercher Marat, et ce calembour ingénieux ?

Il y avait aussi là, des meubles couverts de personnages chinois brodés en soie, qui m’amusaient infiniment.

— Il reste à exprimer en littérature la mélancolie française contemporaine, une mélancolie non suicidante, non blasphématrice, non désespérée, mais la mélancolie humoristique : une tristesse qui n’est pas sans douceur et où rit un coin d’ironie. Les mélancolies d’Hamlet, de Lara, de Werther, de René même, sont des mélancolies de peuples plus septentrionaux que nous.

— Les deux choses stupéfiantes pour nous de l’Exposition sont : la jambe en cire exécutée par le Darthonay de la rue d’Angoulême-du-Temple et le fac-similé d’un dessin aux deux crayons de Portail.

— Nous sommes retombés dans l’ennui, de toute la hauteur du plaisir. Nous sommes mal organisés, prompts à la satiété. Une semaine d’amour nous en dégoûte pour trois mois. Oui, nous sortons de l’amour avec un abattement de l’âme, un affadissement de tout l’être, une prostration du désir, une tristesse vague, informulée, sans bornes. Notre corps et notre esprit ont des lendemains d’un gris que je ne puis