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blancs[1]. La Reine est pâle ; le sang tache ses pommettes et injecte ses yeux, ses cils sont roides et immobiles, sa tête est droite[2], et son regard se promène, indifférent, sur les gardes nationaux en haie, sur les visages aux fenêtres, sur les flammes tricolores, sur les inscriptions des maisons[3].

La charrette avance dans la rue Saint-Honoré. Le peuple fait retirer les hommes des fenêtres[4]. Presque en face de l’Oratoire, un enfant, soulevé par sa mère, envoie de sa petite main un baiser à la Reine[5]… Ce fut le seul moment où la Reine craignit de pleurer.

Au Palais-Égalité le regard de la Reine s’allume un instant, et l’inscription de la porte ne lui échappe pas[6].

Quelques-uns battent des mains sur le passage de la Reine ; d’autres crient[7].

Le cheval marche au pas. La charrette avance lentement. Il faut que la Reine « boive longtemps la mort[8] ».

Devant Saint-Roch, la charrette fait une station, au milieu des huées et des hurlements. Mille injures se lèvent des degrés de l’église comme une seule

  1. Révolutions de Paris, par Prudhomme, n° 210.
  2. Journal universel (par Audouin), n° 1423.
  3. Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, n° 33.
  4. La Quotidienne ou la Gazette universelle, n° 396.
  5. Mémoires secrets sur les malheurs et la mort de la Reine de France, par Lafont d’Auxonne.
  6. Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, n° 324.
  7. Révolutions de Paris, par Prudhomme, n° 210.
  8. Journal universel, (par Audouin), n° 1423.