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leur belle-sœur, qui de sa cour sévère avait fait comme un reproche à Louis XV. Dans cet intérieur dévotieux et sans sourire, il n’y avait d’humain que les benoîtes recherches de la vie des nonnes, les aises de la vie, les petites chatteries du boire et du manger, les tours de force d’un artiste en maigre, un cuisinier cité dans tout Paris pour faire de la viande avec du poisson. Les quatre princesses vivaient à l’ombre dans le palais, ne voyant le Roi que par éclairs, au débotté, enfermées et enfoncées dans les principes et les rancunes de leur frère, les professant ou plutôt les confessant avec la rigueur d’esprits étroits et l’entêtement d’imaginations sans distractions.

Les quatre princesses n’avaient qu’une volonté, la volonté de Madame Adélaïde, qui commandait à ses sœurs par la tournure mâle et le ton impérieux de son caractère. Madame Louise retirée aux Carmélites, Madame Adélaïde entrait en une possession plus entière encore de la bonne mais faible nature de Madame Victoire, de la faible et sauvage nature de Madame Sophie.

Du premier jour, les rapports futurs de Madame Adélaïde avec Marie-Antoinette ne se laissent que trop deviner. M. Campan, venant chercher ses ordres au moment de partir pour aller recevoir la Dauphine à la frontière, Madame Adélaïde répond à M. Campan « qu’elle n’a point d’ordre à donner pour envoyer chercher une princesse autrichienne[1]. »

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I.