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la place de la Révolution, et des patrouilles sillonnent Paris[1].

Trois cent mille hommes ne se sont pas couchés[2] ; le reste s’est éveillé avant le tambour. La cour de la Conciergerie, les abords de la Conciergerie, le grand perron du Parlement, le pavé, la fenêtre, le parapet, la grille, la balustrade, le toit, le peuple a tout envahi ; il emplit tout, et il attend.

Onze heures sonnent dans le murmure de cette foule silencieuse. Toutes les têtes, tous les regards, tous les yeux sont en arrêt et dévorent la charrette acculée à quelques pieds des portes, ses roues crottées, sa banquette faite d’une planche, son plancher sans paille ni foin, son fort cheval blanc, et l’homme à la tête du cheval. Les minutes semblent longues. Un bruit sourd court parmi la foule, un officier fait un commandement, la grille s’ouvre : c’est la Reine en blanc.

Derrière la Reine, tenant les bouts d’une grosse ficelle qui lui retire les coudes en arrière, marche Sanson. La reine fait quelques pas. Elle est à la petite échelle qui monte au marchepied trop court. Sanson s’avance pour la soutenir de la main. La Reine le remercie d’un signe, monte seule, et veut enjamber la banquette pour se placer en face du cheval, lorsque Sanson et son aide lui disent de se

  1. Bulletin du Tribunal criminel révolutionnaire, n° 32.
  2. Le Père Duchêne, n° 290. — « La plus grande joie de toutes les joies du père Duchêne, après avoir vu de ses propres yeux la tête du Veto femelle séparée de son f… col de grue. »