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la nuit. Quelle Passion surhumaine ! Malade, affaiblie par une perte continuelle, sans nourriture, sans repos, la Reine doit se vaincre, se dominer, ne pas s’abandonner un instant, roidir à tout moment ses forces défaillantes, contraindre jusqu’à son visage et surmonter la nature ! Le peuple demandant à tout moment qu’elle se levât du tabouret pour mieux la voir : Le peuple sera-t-il bientôt las de mes fatigues ? murmurait Marie-Antoinette épuisée[1]. Un moment, agonisante, à bout de souffrance, elle laissa tomber de ses lèvres, comme une lamentation : J’ai soif ! Ceux qui étaient à côté d’elle se regardèrent ; nul n’osait porter à boire à la veuve Capet ! Un gendarme, à la fin, eut la pitié d’aller lui chercher un verre d’eau et le courage de le lui offrir. La Reine sortait du Tribunal brisée, anéantie. Rentrant dans la prison, elle dit dans la cour de la Conciergerie : Je n’y vois plus ; je n’en peux plus ; je ne saurais marcher ; et, sans le bras d’un gendarme, elle n’eût pu descendre sans tomber les trois marches de pierre qui conduisaient au corridor de sa chambre[2]. A 5 heures, cependant, elle retrouvait à l’audience l’énergie morale, l’énergie physique, de nouvelles

  1. Testament de Marie-Antoinette veuve Capet. De l’imprimerie du véritable créole patriote. — Les débats commencèrent à 8 heures du matin, ils continuèrent sans interruption jusqu’à 4 heures de l’après-midi, furent suspendus jusqu’à 5 et reprirent jusqu’au lendemain 4 heures du matin, de manière que sauf, un instant de relâche, ils durèrent environ vingt heures consécutives. (Note historique sur les procès de Marie-Antoinette et de Madame Élisabeth, par Chauveau-Lagarde, Paris, 1816).
  2. Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoye, vol. II.