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Manuel, dont la Reine a craint un moment la déposition[1], que sert votre silence ? Que sert, d’Estaing, que vous n’accusiez pas cette Reine, dont tous déclarez avoir à vous plaindre ?… Il ne s’agit pas de l’innocence de la Reine, et ce n’est pas vous que le Tribunal écoute. Les complaisances de ses oreilles sont pour les dépositions qui accusent la Reine d’accaparement de denrées, ou encore de complicité dans une fabrique de faux assignats ; pour la déposition de cette ancienne femme de service de la Reine, à qui M. de Coigny aurait dit à Versailles, à propos des fonds envoyés par la Reine à son frère pour faire la guerre aux Turcs ; « Il en coûte déjà plus de deux cents millions, et nous ne sommes pas au bout ! » Le murmure de faveur de l’auditoire encouragera cette déposition ; que la Reine, voulant assassiner le duc d’Orléans, a été fouillée, trouvée nantie de deux pistolets, et condamnée par son mari à quinze jours d’arrêts. Ce murmure encouragera encore Labenette, ce singe de Marat, affirmant sérieusement que la Reine a successivement envoyé trois hommes pour l’assassiner !

Et qu’étaient les questions posées à la Reine ? « Si elle n’avait pas voulu faire assassiner la moitié des représentants du peuple ? Si elle n’avait pas voulu, une autre fois, avec d’Artois, faire sauter l’Assemblée ? »

La Reine fut admirable de patience et de sang-froid : elle força sa dignité à l’humilité ; elle défen-

  1. Journal des Débats et des Décrets, n° 393.