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Thomas, resté toute la journée du 20 juin aux côtés de la Reine, un fidèle du 10 août, un audacieux incorrigible, échappé, avec de la témérité et de l’or, aux massacres de Septembre, échappé de prison une seconde fois et de la même façon après le 31 mai, un de ces fous de dévouement qui ne manqueront jamais en France, le chevalier de Rougeville[1], venait de s’aboucher avec Michonis, l’introducteur de Batz au Temple. À la suite de plusieurs entrevues chez Fontaine, marchand de bois, et chez la femme Dutilleul, à Vaugirard, Rougeville est introduit à la Conciergerie par Michonis. Michonis[2], pour dérober aux gendarmes l’émotion de la Reine, lui parle de ses enfants qu’il a vus au Temple. Derrière lui, Rougeville fait à la Reine des signes qu’elle ne paraît pas comprendre ; il s’approche alors et lui dit à voix basse de ramasser l’œillet qu’il a laissé tomber auprès du poêle. La Reine le ramasse, Rougeville demande à la Reine : « Le cœur vous manque-t-il ? — Il ne me manque jamais, » répondit la Reine. Michonis et Rougeville sortent. La Reine lit le billet. « Il contenait, a déclaré la Reine, des phrases vagues : Que prétendez-vous faire ? Que comptez-vous faire ? J’ai été en prison ; je m’en suis tiré par un miracle. Je viendrai

  1. Mémoire présenté au Directoire exécutif par le comte Rougeville sur la dénonciation de l’ex-conventionnel Guffroy. De la Grande-Force, ce 10 floréal an IV.
  2. Jugement rendu par le tribunal criminel révolutionnaire dans l’affaire Michonis, le 29 brumaire an II de la République.