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me sont connus ; depuis cinq mois il n’a pas varié. Ne vous fiez pas trop à la femme[1] de l’homme qui est enfermé ici avec nous : je ne me fie ni à elle ni à son mari. »

L’homme était Toulan.

Il se rencontre parfois, dans les révolutions, de ces individus qui puisent comme une insolence de courage dans l’insolence des évènements. Enhardis, égayés presque par la grandeur du péril, la folie de l’entreprise, l’invraisemblance du salut, ils vont à des aventures, ils cherchent des dangers qui semblent plus appartenir à la fiction qu’à la vie, au roman qu’à l’histoire. Né à Toulouse vers 1761, établi à Paris, en 1787, libraire et marchand de musique, nommé membre de la Commune du 10 août, continué dans la municipalité dite provisoire, et devenu chef de bureau de l’administration des biens des émigrés[2], Toulan, « ce petit jeune homme, » est un de ces cœurs sans peur et sans surprise, qui trompent longtemps la mort en se jouant d’elle. Cervelle de Gascon, tête chaude, une fécondité inventive et que rien ne décourageait le faisait inépuisable en ruses, en inventions, en stratagèmes. Puis la nature l’avait armé d’une gaieté de si bon aloi et de si belle venue, si franche, si épanouie, qu’elle désarmait tous les soupçons en leur riant au nez ; grand comédien par là-dessus, qui, gardant le rôle de ses anciennes opinions auprès des

  1. La femme Tison.
  2. Mémoires sur Louis XVII, par Eckard, note 17.