Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/425

Cette page n’a pas encore été corrigée

commissaires enfin qui trahissent leur mission pour ne pas trahir l’humanité.

Il savait comment vont les cœurs de la pitié à l’intérêt, de l’intérêt au dévouement, ce commissaire si effrayé, à sa première visite, du charme de la Reine, qu’il donna sa démission, n’osant retourner au Temple. Bientôt des commissaires se rendaient comme Manuel, et de l’attendrissement passaient aux imprudences et aux complicités ; bientôt même de plus aventureux osaient concevoir de sauver la famille royale, et semblaient prendre pour devise cette devise donnée par la Reine pour la bague d’un commissaire : Poco ama ch’il morir teme[1].

Le 2 février 1793, un homme se présente chez M. de Jarjayes, et lui demande un entretien secret. Voix, costume, façons, tout chez cet homme sent la Révolution. M. de Jarjayes le regarde et s’inquiète, quand l’homme se jette à ses pieds. Ce qu’il veut, c’est l’indulgence, la confiance de M. de Jarjayes ; ce qu’il est venu offrir, c’est son repentir ; ce qu’il est venu chercher, c’est l’aide de M. de Jarjayes pour sauver les prisonniers du Temple. M. de Jarjayes se défie et repousse l’offre. L’homme alors tire de sa poche un chiffon de papier et M. de Jarjayes lit ces mots, en huit petites lignes, de la main de la Reine :

« Vous pouvez prendre confiance en l’homme qui vous parlera de ma part, en vous remettant ce billet. Ses sentiments

  1. Maximes et pensées de Louis XVI et d’Antoinette.