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de mort, bravent la mort dès qu’ils sont entrés dans la familiarité de cette infortune. Ceux-là qui avaient l’insulte à la bouche et le chapeau sur la tête, se taisent, se découvrent et s’inclinent devant ces larmes de Marie-Antoinette, devant ces larmes de la Reine ! C’avait été Manuel ; ce sont tant de commissaires, tout à coup touchés, dont l’air, la tenue, la parole, les caresses aux enfants, les yeux mouillés, plaignent et courtisent les chagrins de la Reine. « Maman, crie joyeusement le Dauphin dès qu’il reconnaît une de ces figures qui lui ont souri, c’est Monsieur un tel ! » Et la Reine est sûre d’avoir quarante-huit heures de respect, de compassion, peut-être même de cette rare flatterie qui s’incline plus bas devant la royauté sans couronne. Elle aura dans sa chambre ce commissaire qui reprend le Dauphin de placer en Asie Lunéville, « cette ville, — lui dit-il, — où ont régné vos ancêtres ; » ou Lebœuf, qui voudrait lui faire accorder les Aventures de Télémaque ; ou Moille, qui ne consent pas à se couvrir devant la famille royale ; ou Lepitre, qui apporte à la Reine l’hommage de ses romances et la pièce de l’Ami des lois ; ou l’épicier Dangé, qui embrasse le Dauphin en le promenant sur la plate-forme de la Tour ; ou l’administrateur de la police de Paris, Jobert ; ou le maître maçon Vincent, ou l’architecte Bugneau, ou Michonis[1], un de ces

  1. Bulletin du tribunal criminel révolutionnaire, 1793, 2e série, n° 96 et 97. Affaires de Michonis et autres. — Mémoires sur Louis XVII, par Eckard. — Quelques souvenirs, par Lepitre. — Six jours passées au Temple, par Moille.