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de ses doigts, le port de sa tête, le jeu de sa serviette, il entreprit de leur dire les batailles, la marche des armées, l’Autriche, l’Angleterre, la Sardaigne, et la Convention. Mais cette langue mimée prêtait à trop de contre-sens. Turgy, qui était homme d’expédients, imagina alors des pelotes de fil ou de coton cachées dans les bouches de chaleur du poêle ou dans le panier aux ordures. Autorisé à sortir du Temple deux ou trois fois par semaine pour les approvisionnements, Turgy voyait Hüe ; il voyait la duchesse de Sérent ; il était le lien des correspondances entre la tour et le dehors, et, confirmé dans son zèle par le témoignage que le Roi lui rendait le 21 janvier, il bravait les murmures des dénonciations[1].

Mais Turgy n’était qu’un serviteur fidèle au malheur de ses maîtres ; d’autres vont le lui disputer en courage, qui n’ont servi que la Révolution.

Seul honneur de ces temps, cette séduction des hommes de la Révolution par la pitié ! seule consolation de cette abominable histoire, qu’il se soit fait autour de la Reine, dans la plus dure des prisons, sous la plus impitoyable des terreurs, une contagion de respect qui s’enhardit jusqu’aux bons offices et jusqu’aux dangers mortels de la sensibilité ! Ces hommes à qui la Révolution a donné le mandat d’être aveugles, d’être sourds, d’être muets sous peine

  1. Fragments historiques sur la captivité de la famille royale, par M. de Turgy.