Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/419

Cette page n’a pas encore été corrigée

frère, sera permis à la veuve, aux enfants, à la sœur.

La veuve est dans les habits de deuil dus aux générosités de la République. Elle a sur la tête un bonnet de femme du peuple dont les tuyaux pleurent et tombent sur ses épaules. Entre les tuyaux et la coiffe court un voile noir. Un grand fichu blanc est croisé sur son cou avec une méchante épingle. Un petit châle noir, liséré de blanc, se noue à la naissance de sa robe noire.

Sur son front, le long de ses tempes, courent, échappées du bonnet, des mèches de cheveux d’un blond qui grisonne et s’en va blanchissant. Son front est fier encore, et ses sourcils n’ont pas baissé leur arc impérial. Les larmes ont rougi ses paupières, les larmes ont gonflé ses yeux ; son regard a perdu son rayon ; il est fixe. Le bleu de ses yeux n’a plus d’éclairs, plus de caresses ; il est vitrifié, froid, presque aigu. La belle ligne aquiline du nez est devenue une arête décharnée, sèche et dure ; et l’on croirait que l’agonie a pincé ces narines qui frémissaient de jeunesse. Les lèvres ne s’épanouissent plus, et le sourire a pour jamais quitté cette bouche décolorée qui plisse et rentre. L’animation et le sang ont abandonné ce masque immobile ; et, à voir celle qui fut la Reine de France, il semble qu’il vous apparaisse une de ces grandes et pâles figures de macération et de mortification, une de ces saintes de Port-Royal, dont les pinceaux jansénistes de Philippe de Champagne nous ont transmis la face rigide et crucifiée.