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se coucher, berçant son insomnie avec son désespoir[1]. Il se trouva des hommes pour ajouter à ces douleurs, et pendant ces jours il fallut à la Reine subir les grossièretés d’un Mercereau, la nuit les chansons d’un Jacques Roux[2].

Et la torture d’ignorer, de ne pouvoir suivre de la pensée un accusé si cher, l’accusation, les débats, les incidents ; la torture de ne rien savoir d’une telle cause que ce que lui en apprennent les papiers montés de la fenêtre du Roi, ou bien la façon des plis du linge du Dauphin[3].

Parfois, brisée et frémissante, la Reine se réveillait et entrait en des révoltes où éclatait la majesté de ses infortunes. L’âme et le sang de Marie-Thérèse lui montaient à la face ; et le regard en feu, bravant tous les regards, furieuse de ce courroux suprême qui saisit les grands cœurs poussés à bout par le destin, elle interrogeait la Commune sur la loi, sur le code qui permet d’arracher le mari à sa femme, et elle commandait qu’on la réunît à Louis XVI[4]

La Convention avait refusé au Roi qu’elle jugeait de voir sa famille, et n’osa refuser au condamné d’embrasser sa femme, ses enfants et sa sœur la veille de sa mort.

C’est dans la salle à manger du Roi que l’entrevue aura lieu : le ministre de la justice l’a décidé. La

  1. Récit de Madame.
  2. Quelques souvenirs par Lepitre.
  3. Journal de Cléry.
  4. Maximes et pensées de Louis XVI et d’Antoinette.