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Reine imita l’indifférence du Roi qui ne leva pas les yeux du livre qu’il lisait.

Que dis-je encore ! le Roi, la Reine. Il n’y a plus de Roi, il n’y a plus de Reine, il n’y a plus de famille royale au Temple : il y a Louis Capet, il y a Marie-Antoinette. Madame Élisabeth, c’est Élisabeth ; Madame Royale, c’est Marie-Thérèse ; le Dauphin, c’est Louis-Charles ; et quand le linge enfin accordé aux prisonniers arrive au Temple, la République prend la main de la Reine, et la force à démarquer cette couronne dont les ouvrières avaient surmonté ses chiffres[1].

Plus donc sur eux tous que la couronne de leur Dieu, la couronne d’épines ! Mais, pour la porter, ils sont une famille, ils ne sont qu’un cœur. Ils passent le jour ensemble, ils souffrent côte à côte, ils retiennent leurs larmes d’un même effort ; la sœur vit dans le frère, le mari dans la femme, la mère dans ses enfants. Leur force et leur patience sont là dans ce rapprochement et dans cette communion, dans ce partage journalier de tout leur courage et de toute leur âme. Et qu’importe l’espionnage assis à leur côté ! Ils se voient ; en une telle situation, c’est se parler.

Une fois, c’était aux premiers jours de la captivité, un colporteur qui passait avait crié un décret ordonnant de séparer le Roi de sa famille. Au cri du colporteur, la Reine avait éprouvé un saisissement dont elle avait eu peine à se remettre[2]. Ce

  1. Journal de Cléry.
  2. Dernières années, par Hüe.