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tremblante et effrayée de présages ! Comme ce jour où, dans un piquet à écrire, elle avait conduit le Roi à ses deux dernières cartes, deux as, du choix desquels dépendait un capot. Le Roi, après avoir hésité, jeta la bonne carte. Des larmes vinrent aux yeux de la Reine. Le Roi comprit, et répondit à sa femme par un sourire de résignation[1].

Le Roi sorti, la Reine prenait l’aiguille avec Madame Élisabeth. Une grande tapisserie occupa d’abord la Reine, dont toutes les heures de royauté dérobées à la représentation avaient été données à de grands ouvrages de femme, à une énorme quantité de meubles, à des tapis, à des tricots de laine[2].

Le Roi rentré, la Reine faisait quelque lecture à haute voix. Mais quel livre ne lui apportait pas la blessure et la douleur soudaine de rapprochements imprévus ? La Reine se rejeta sur les pièces de théâtre[3] ; mais là, que de réveils du passé ! C’est la gaieté, c’est le plaisir de ses belles années, c’est sa salle de spectacle, c’est sa jeunesse ! Il est partout, ce supplice du souvenir. Dans le peu de musique laissé sur le mauvais clavecin qui sert aux leçons de sa fille, il est un morceau intitulé : « La Reine de France. » Que les temps sont changés ! murmure la Reine en le feuilletant[4].

À huit heures, le Dauphin soupait dans la cham-

  1. Six journées au Temple, par Moille.
  2. Récit de Madame.
  3. Dernières années, par Hüe.
  4. Quelques souvenirs, par Lepitre.