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de madame de Tourzel ; Manuel se surprend à promettre à la Reine un sursis… Je le sais, Manuel résistera ; il rougira de cette défaite de lui-même ; il voudra briser cet enchantement qui l’enveloppe ; il se retrempera dans les plaisanteries de la Révolution ; il fera rire la Commune avec des risées sur l’attirail embarrassant que traîne une famille royale, et qu’il faut balayer. Il parlera, avec la joie et le ressentiment d’un homme qui a son orgueil à venger, il parlera des pleurs de la Reine, des pleurs de cette femme altière que rien ne pouvait fléchir ; et il ajoutera, comme pour s’arracher aux tentations, en mettant l’insulte entre la Reine et lui : « J’ai dit, entre autres choses, à la femme du Roi, que je voulais lui donner pour son service des femmes de ma connaissance ; elle m’a répondu qu’elle n’en avait pas besoin, qu’elle et sa sœur sauraient se servir réciproquement. Et moi de répondre : Fort bien, Madame, puisque vous ne voulez pas accepter de ma main des femmes pour votre service, vous n’avez qu’à vous servir vous-même, vous ne serez pas embarrassée sur le choix[1]… » Ce fut la dernière révolte et la dernière fanfaronnade de Manuel. Il ne lui arriva plus de se calomnier : il s’abandonna, et se donna tout entier à ces pleurs de « la femme du Roi. »

Manuel était une de ces natures tendres et sensibles dont la pente est vers les faibles, vers les opprimés, vers les vaincus. C’était une de ces âmes

  1. Mémoires de Weber concernant Marie-Antoinette, vol. II.