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cœur… Le Roi reste muet. Rœderer insiste auprès de lui sur le péril de toute sa famille. La Reine combat vainement Rœderer avec ce qui lui reste de voix et de forces. « Il n’y a plus rien à faire ici, » murmure le Roi ; et, élevant la voix : « Je veux que sans plus tarder on nous conduise à l’Assemblée législative. Je le veux. — Vous ordonnerez, avant tout, Monsieur, que je sois clouée aux murs de ce palais !  » s’écrie la Reine d’un ton de révolte…[1]. Mais les femmes qui l’entourent, la princesse de Tarente, madame de Lamballe, Madame Élisabeth, la supplient avec des pleurs ; et la Reine fait au Roi le sacrifice de sa dernière volonté. « Monsieur Rœderer, Messieurs, fait-elle en se retournant vers la députation, vous répondez de la personne du Roi, de celle de mon fils ! — Madame, répond Rœderer, nous répondons de mourir à vos côtés. » — « Nous reviendrons, » dit la Reine, en essayant de consoler ses femmes désolées ; et, accompagnée de madame de Lamballe et de madame de Tourzel, elle suit le Roi.

Dans le trajet à pas lents du palais aux Feuillants, elle pleure, elle essuie ses larmes, et pleure encore. À travers la haie des grenadiers suisses et des grenadiers de la garde nationale, la populace l’entoure et la presse de si près que sa montre et sa bourse lui sont volées[2]. Arrivée vis-à-vis du café de la Terrasse, c’est à peine si la Reine s’aperçoit qu’elle enfonce dans des tas de feuilles.

  1. Mémoires secrets et universels, par Lafont d’Ausonne.
  2. Mémoires de Mme Campan, vol. II.