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ce que vous avez de plus cher, femmes, enfants, propriétés, dépend de cette journée[1]] !  »

La grande et solennelle minute dans l’histoire ! Le cœur battait à ces courtisans impatients de mourir. Le peuple approchait… Une députation du Directoire du département est annoncée. Le procureur général syndic de la Commune, Rœderer, demande à parler au Roi sans autres témoins que sa famille : « Sire, dit-il, Votre Majesté n’a pas cinq minutes à perdre ; il n’y a de sûreté pour elle que dans l’Assemblée nationale ! » Et, en quelques mots émus, il peint la situation, la défense impossible, la garde nationale mal disposée, les canonniers déchargeant leurs canons. Le marchand de dentelles de la Reine, administrateur du département, prenant la parole pour appuyer Rœderer : »Taisez-vous, monsieur Gerdret, dit la Reine ; il ne vous appartient pas d’élever ici la voix : taisez-vous, Monsieur… laissez parler monsieur le procureur général syndic… » Et, se tournant vivement vers Rœderer : « Mais, Monsieur, nous avons des forces… — Madame, tout Paris marche[2]. » Mais la Reine n’écoute plus Rœderer. Elle parle au Roi, elle parle au père du Dauphin, elle parle à l’héritier du trône de Henri IV et de Louis XIV, elle parle à l’honneur de Louis XVI, elle parle à son

  1. Lettre de M. d’aubier ci-devant gentilhomme de la chambre du roi Louis XVI, à M. Maller du Pan. Histoire de la révolution de France, par Bertrand de Molleville, vol. IX.
  2. Chronique de cinquante jours, du 20 juin au 10 août 1792, par Rœderer. 1832.