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à ceux qui l’entourent un visage serein, et sa parole chappe à ses angoisses : « Quel temps magnifique ! dit-elle à M. de Lorry en s’approchant d’une croisée du Carrousel, quel beau jour nous allions avoir sans tout ce tumulte[1] ! »

À cinq heures et demie, la Reine parcourait, avec le Roi et les enfants, les salons et les galeries où, depuis le soir, trois cents gentilshommes, dont beaucoup étaient des vieillards et d’autres des enfants, attendaient l’heure de donner leur sang : « Vive la Reine ! vive le Roi ! » un seul cri partait de tous les cœurs. La Reine alors déterminait le Roi à descendre au jardin, et à parcourir les rangs des sections de la garde nationale. « Tout est perdu ! » disait la Reine à la rentrée du Roi[2] ; mais, en voyant des grenadiers des Filles-Saint-Thomas venir prendre place dans les appartements au milieu des rangs de la noblesse, elle recouvrait un moment son courage et l’énergie de sa parole. Comme un commandant de la garde nationale osait demander l’éloignement des gentilshommes armés : Ce sont nos meilleurs amis, s’écrie la Reine avec chaleur, notre meilleur appui. Mettez-les à l’embouchure d’un canon, et ils vous montreront comme on meurt pour son roi ! » Et, se tournant vers les grenadiers des Filles-Saint-Thomas : N’ayez point d’inquiétudes sur ces braves gens, ils sont vos amis comme les nôtres ; nos intérêts sont communs ;

  1. Lettre de M. d’Aubier ci-devant gentilhomme de la chambre du roi Louis XVI, à M. Mallet du Pan. Histoire de la Révolution de France, par Bertrand de Molleville, vol. IX.
  2. Mémoires de Mme Campan, vol. II.