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princes : « Comment, — disait la Reine avec un grand sens et une justesse d’esprit remarquable, — comment peut-on connoître ce qui peut convenir à l’état d’une nation dont la plus faible partie commande dans le délire et que la peur a subjuguée tout entière !

« On n’a pas conservé le sentiment des choses accoutumées et journalières qui sembloient former, non pas seulement la constitution de l’État, mais celle de chaque classe, de chaque profession, de chaque famille.

« On a tout arraché, tout détruit, sans exciter dans le grand nombre la surprise et l’indignation.

« Il n’y a point d’opinion publique et réelle dans une nation qui n’a pas de sentiment.

« Que sont devenues toutes les habitudes ?… Quel est le droit habituel qui n’ait pas été proscrit ou l’obligation habituelle qui n’ait été rompue ?

« On s’est servi des insurrections et des émeutes populaires pour détruire toutes les formes établies. On ne pouvoit pas s’en servir pour donner des habitudes nouvelles à la nation entière, et ce n’est pas en deux ans de temps employés à tout détruire qu’on peut créer, entretenir et consolider des habitudes.

« Il faut la laisser respirer un moment de tant de troubles et d’agitations ; il faut lui laisser reprendre ses habitudes et ses mœurs avant de juger ce que les circonstances peuvent exiger ou souffrir. »

La Reine reprenait :

Les princes entrant en France, c’est la guerre civile ; les étrangers entrant, c’est la guerre civile et la guerre étrangère.