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d’ordre, ne sont plus écoutés. Voilà l’état déplorable où nous nous trouvons ; ajoutez à cela que nous n’avons pas un ami, que tout le monde nous trahit : les uns par haine, les autres par faiblesse ou ambition ; enfin je suis réduite à craindre le jour où on aura l’air de nous donner une sorte de liberté ; au moins dans l’état de nullité où nous sommes nous n’avons rien à nous reprocher. Vous voyez mon âme tout entière dans cette lettre ; je peux me tromper, mais c’est le seul moyen que je voie encore pour aller. J’ai écouté, autant que je l’ai pu, des gens des deux côtés, et c’est de tous leurs avis que je me suis formé le mien : je ne sais pas s’il sera suivi. Vous connoissez la personne[1] à laquelle j’ai affaire ; au moment où on la croit persuadée, un mot, un raisonnement la fait changer sans qu’elle s’en doute ; c’est aussi pour cela que mille choses ne sont point à entreprendre. Enfin, quoiqu’il arrive, conservez-moi votre amitié et votre attachement, j’en ai bien besoin ; et croyez que, quelque soit le malheur qui me poursuit, je peux céder aux circonstances, mais jamais je ne consentirai à rien d’indigne de moi : c’est dans le malheur qu’on sent davantage ce qu’on est. Mon sang coule dans les veines de mon fils, et j’espère qu’un jour il se montrera digne petit-fils de Marie-Thérèse. Adieu[2]. »

Et pourtant cela même, cet appel désespéré, n’est point un appel à l’invasion de la patrie. Marie-An-

  1. Le Roi.
  2. Marie-Antoinette au comte de Mercy-Argenteau. Revue rétrospective, 2e série, vol. I.