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enlevée tout à coup à ces jeux de la pensée, à ces divertissements du goût, à la pastorale, aux rubans, à sa vie, presque à son sexe ! Adieu le spectre léger de la grâce ! Du gouvernement de ces riens charmants, elle monte, grandie soudain, au plus grand et au plus sévère des affaires humaines. Ces plumes, taillées pour les causeries et les caresses de l’amitié, se plieront du premier coup au style des chancelleries, et toucheront à l’État ! Cette Dauphine rieuse, cette Reine qui se sauvait de son trône, des affaires étrangères, les restes d’un trône, le dernier espoir d’un droit !

Le malheur a de ces coups de foudre, de ces éducations subites, de ces illuminations miraculeuses de l’âme et de la tête, du caractère et du génie. L’exemple en est là, dans cette correspondance de Marie-Antoinette avec Léopold II[1], les titres d’homme d’État de la Reine, le témoignage écrit qu’elle a laissé à la postérité de sa pensée politique, de son haut jugement, de sa mâle intelligence et de ses illusions. C’est au lendemain du retour de Varennes, c’est le 31 juillet 1791 que la Reine, se relevant sur sa chute, discute, prévoit, combat.

La Reine disait à son frère les influences du jour réunies et conjurées pour le salut de la monarchie ;

  1. Correspondance secrète de Marie-Antoinette avec Léopold II, Burke et autres personnages étrangers (conservée aux Archives générales de l’Empire). Revue rétrospective, 2e série, vol. I et II.