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abnégation surhumaine qu’une abdication semblable. Et, d’ailleurs, la cour même docile aux plans de Barnave, que pouvait Barnave pour le salut du Roi ? Dans ses notes, où son zèle cherchait les illusions, il parlait de sa force, de son influence personnelle : et la Révolution ne l’écoutait plus ! il appuyait sur les ressources et la vigueur de son parti : et son parti n’était plus qu’une société débandée d’honnêtes gens effrayés et d’ambitieux démasqués ! Il se vantait à la Reine d’apporter, avec son dévouement, le dévouement de ses amis : et ces amis qu’il groupait autour du Roi et de la Reine pour leur défense, ces ministres qu’il plaçait près de leur trône, appartenaient aux haines des Jacobins. Séparant les intérêts du Roi du salut de la Reine, ces ministres servaient dans l’ombre le parti qui voulait à tout prix débarrasser la Révolution de Marie-Antoinette.

Ce parti veille depuis quatre ans. Il n’a reculé devant aucun crime, devant aucun remords. Des dénonciations d’empoisonnement, des avis de la police ont forcé la Reine à ne manger que le pain acheté par Thierry et à garder toujours à sa portée un flacon d’huile d’amandes douces[1]. Le coup d’Octobre manqué, une affiche placardée dans Paris au mois d’août 1790 disait « qu’il n’y avait point un crime de lèse-nation, mais un crime de lèse-majesté, à avoir voulu tuer la Reine[2]. » Une nouvelle tenta-

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. II.
  2. Journal de la cour et de la ville, 15 août 1790.