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cheveux, dernière coquetterie, qu’elle veut se faire peindre pour la princesse de Lamballe, mettant de sa main au bas du portrait : Ses malheurs l’ont blanchie. Jeunesse, sourire, les grâces augustes de la douleur ont tout voilé : il ne reste plus à la Reine que ses larmes pour être belle. C’est à peine si ceux qui l’ont vue jadis la reconnaissent ; et il va arriver cette scène douloureuse où mademoiselle du Buquoy, contemplant les ravages du chagrin sur la figure de la Reine, portera son mouchoir à ses yeux. « Ne cachez pas vos larmes, Mademoiselle, — lui dira Marie-Antoinette ; — vous êtes bien plus heureuse que moi : les miennes coulent en secret depuis deux ans, et je suis forcée de les dévorer[1]. »

La Reine pensait encore à fuir, mais l’apparence des choses la trompait en s’apaisant ; les rigueurs s’adoucissaient autour d’elle ; les esprits effrayés semblaient revenir aux lois, au Roi ; la Reine restait et reprenait sa vie monotone. Elle allait à la messe à midi, dînait à une heure et demie, se retirait chez elle, et soupait à neuf heures et demie, jouant, après dîner et après souper, de longues parties de billard avec le Roi, pour le forcer à l’activité et à l’exercice : puis, à onze heures, tout le château se couchait[2].

Des amis conseillaient à la Reine de tâcher de reprendre sa popularité, d’essayer de parler à ce cœur des foules qui échappe aux factions, de se montrer

  1. Journal de la cour et de la ville, 1er août 1791.
  2. Éloge de Mme Élisabeth de France, par Ferrand.