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ment aussi ce seul jour a fait dans Barnave ! Le voilà, le lendemain, qui livre à la Reine sa popularité, qui lui offre sa vie, sans demander de conseil qu’à son cœur ni de salaire qu’à sa conscience !

La Reine acceptait les plans de Barnave. L’affaire du 17 juillet, où la proclamation de la loi martiale au Champ-de-Mars arrêtait la proclamation de la déchéance du Roi, ramenait une fraction du parti constitutionnel aux plans de Barnave, acceptés par la Reine. Cependant la Reine ne pouvait se faire illusion : « on démolissait la monarchie pierre à pierre ». À l’acceptation de l’acte constitutionnel, elle avait vu le Roi debout et tête nue en face de l’Assemblée assise, et elle revenait silencieuse, accablée du pressentiment d’une déchéance. Deux jours avant cette humiliation et ce présage, le 12 septembre, écoutez Madame Élisabeth plaindre la Reine : « Mon Dieu, qu’elle (la Reine) doit être malheureuse ! Je n’ose lui parler des chagrins qu’elle éprouve, primo parce que je craindrais de lui faire de la peine, et puis de lui apprendre des choses qu’elle ne sait peut-être pas. Elle est bien heureuse d’avoir autant de religion qu’elle en a ; cela la soutient, et vraiment il n’y a que cette ressource. Elle est fort contente de… (son confesseur), et me mande s’y attacher tous les jours[1] ».

Quels jours, quelles nuits, dont une seule a fait les cheveux de la Reine blancs comme les cheveux d’une femme de soixante-dix ans[2] ! C’est avec ces

  1. Éloge de Mme Élisabeth de France, par Ferrand, 1814.
  2. Mémoires de Mme Campan, vol. II.