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en parlant d’elle l’admiration, l’enthousiasme. Mirabeau voulait voir Marie-Antoinette. Et M. de Mercy obtenait de Marie-Antoinette qu’elle vît Mirabeau à Saint-Cloud[1] le 3 juillet 1790.

Quel moment ! quelle entrevue ! Il est donc devant la Reine, l’homme de la Révolution auquel il a fallu acheter le salut de la monarchie, l’homme couvert de crimes et de gloire, l’homme qui a dit dédaigneusement de la femme de son roi : « Eh bien ! qu’elle vive ! » l’homme d’Octobre, cet homme que la Reine appelle « le monstre !  » À son aspect, la Reine n’a pu retenir un mouvement d’horreur : la voilà balbutiante, et se rappelant à peine la flatterie qu’elle répétait en venant : Quand on parle

  1. Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de la Marck. — Cet été de 1790, était la dernière villégiature de la Reine à Saint-Cloud. Elle écrivait au mois de mai 1790 à Léopold II : « … Notre santé à tous se soutient bonne ; grâce à Dieu, c’est un miracle au milieu des peines d’esprit et des scènes affreuses, dont tous les jours nous avons le récit et dont souvent nous sommes les témoins. Je crois qu’on va nous laisser profiter du beau temps, en allant quelques jours à Saint-Cloud qui est aux portes de Paris. Il est absolument nécessaire pour nos santés de respirer un air plus pur et plus frais, mais nous reviendrons souvent ici. Il faut inspirer de la confiance à ce malheureux peuple ; on cherche tant à l’inquiéter et à l’entretenir contre nous. Il n’y a que l’excès de la patience et la pureté de nos intentions qui puissent le ramener à nous ; il sentira tôt ou tard, combien pour son propre bonheur, il doit tenir à un seul chef, et quel chef encore ! celui qui, par l’excès de sa bonté, et toujours pour leur rendre le calme et le bonheur, a sacrifié ses opinions, sa sûreté et jusqu’à sa liberté. Non, je ne puis croire, que tant de maux, tant de vertus ne soient pas récompensés un jour. » (Marie-Antoinette, Joseph II, und Leopold II, von d’Arneth. Leipsig, 1866.)