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avec M. de Ségur, avec le comte de la Marck, avec M. de Fontanges, le salut du Roi, des siens et du royaume ; qu’elle perce et discerne les intérêts, les vanités, les folies, qu’elle combatte les imprudences des uns, les promesses des autres, les ambitions de tous ; qu’elle aiguillonne le dévouement et retienne le zèle ; qu’elle enchaîne les dispositions républicaines des ministres, qu’elle encourage le grand parti des timides, qu’elle arrête les tentatives des émigrés, qu’elle interroge l’Europe… Il lui faut enfin décider le Roi à agir, et, sinon à agir, du moins à se retirer dans une place forte et à laisser agir.

Le séjour des Tuileries était insupportable l’été. La famille royale obtenait la permission d’aller à Saint-Cloud. Ce voyage fut comme une trêve aux ennuis de la Reine ; et pourtant ce n’était plus l’ancien salon de Saint-Cloud, tout peuplé d’amis : « le triste salon que ce salon du déjeûné, autrefois si gai ! [1] » mais c’était un peu de liberté, de l’air, des jardins sans cris, sans peuple… La Reine reprenait avec plus de courage et d’espérance l’œuvre commencée aux Tuileries. Elle essayait de décider le Roi à partir. Le Roi cédait, promettait ; puis, les malles faites, il se dérobait à sa parole. Et la Reine le voyait avec terreur attendre la République comme il avait attendu Octobre, quand le génie de la Révolution demandait audience à la Reine.

  1. Mémoires de la duchesse de Polignac, par la comtesse de Polignac.