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jardin alors appelé jardin du Dauphin, elle s’oubliait à le regarder s’amusant avec sa sœur des canards qui plongeaient dans le bassin, ou bien des oiseaux qui volaient en chantant dans la grande volière[1]. Quelle douce émotion, puis quels baisers de la Reine, quand, s’échappant de ses mains, le Dauphin courait à M. Bailly qui entrait chez le Roi : « Monsieur Bailly, lui disait l’enfant, que voulez-vous donc faire à papa et à maman ? Tout le monde pleure ici…[2]. » Et plus tard, quel orgueil, quelles joies d’une mère, des scènes pareilles à la scène charmante racontée par Bertrand de Molleville : le Dauphin chantant, folâtrant et jouant dans la chambre de la Reine avec un petit sabre de bois et un petit bouclier, on vient le chercher pour souper ; en deux sauts il est à la porte. « Eh bien ! mon fils, fait la Reine en le rappelant, vous sortez sans faire un petit salut à M. Bertrand ? — Oh ! maman, répond l’enfant avec un sourire et toujours sautant, c’est parce que je sais bien qu’il est de nos amis, M. Bertrand… Bonsoir, monsieur Bertrand ! » Le Dauphin parti : N’est-ce pas, qu’il est bien gentil, mon enfant, monsieur Bertrand ? disait la Reine au ministre, il est bien heureux d’être aussi jeune ; il ne sent pas ce que nous souffrons et sa gaieté nous fait du bien[3].

Mais quelles terreurs traversaient les joies maternelles de Marie-Antoinette, ses seules joies !

  1. Le château des Tuileries, 1802.
  2. Journal de la cour et de la ville, 12 février 1791.
  3. Histoire de la Révolution de France, par Bertrand de Molleville.