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voix. Marie-Antoinette, par un mouvement de ses bras en arrière, repousse ses enfants, et attend. Le peuple n’a pas voulu de la mère, il a demandé la Reine : la voilà ! « Bravo ! vive la Reine[1] ! » crie d’une seule bouche ce peuple d’assassins, à qui l’air magnifique et la grandeur superbe de ce courage d’une femme arrachant l’admiration, et rendent une conscience.

Au lendemain d’Octobre, quelle grandeur plus belle encore, quelle magnanimité chrétienne dans ce pardon de la Reine qui ne veut pas se souvenir de ses assassins ! Marie-Antoinette écrivait le soir même à l’empereur son frère : « Mes malheurs vous sont peut être déjà connus ; j’existe, et je ne dois cette faveur qu’à la Providence et à l’audace d’un de mes gardes qui s’est fait hacher pour me sauver. On a armé contre moi le bras du peuple, on a soulevé la multitude contre son Roi, et quel était le prétexte ? Je voudrais vous l’apprendre et n’en ai pas le courage…[2] ». Le Comité des recherches venait de l’interroger ; la Reine répondait : Jamais je ne serai la délatrice des sujets du Roi. Le châtelet lui demandait sa déposition ; la Reine déposait : J’ai tout vu, tout su, tout oublié[3].

  1. Mémoires de Rivarol.
  2. Journal de la cour et de la ville, 11 avril 1790.
  3. Ibid., 1er mai 1790.