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de fables et de mensonges, une disette factice, une distribution insuffisante de pain le matin du 5 octobre[1], mettait à la bouche des halles et des faubourgs ce cri : du Pain ! et les lançait sur la route de Versailles.

Mais pendant que ce peuple s’ébranle avec ce cri, Mirabeau trahit le mot d’ordre de la journée à la tribune de l’Assemblée : il demande l’inviolabilité du Roi, du Roi seul[2].

Dans l’après-midi du 5 octobre, la Reine se promenait dans ses jardins de Trianon. Elle était assise dans la grotte, seule avec sa tristesse, quand un mot de M. de Saint-Priest la supplie de rentrer à Versailles : Paris marche contre Versailles. La Reine part, et c’est la dernière fois qu’elle s’est promenée à Trianon[3].

Que trouve-t-elle à Versailles ? La peur : des gardes sans ordres, des serviteurs effarés, des députés errants, des ministres qui délibèrent, et le Roi qui attend ! Elle se tient à la porte du conseil, écoutant, espérant, implorant une mesure, un plan, une volonté, un salut, au moins une belle mort : elle n’entend agiter que des projets de fuite ; encore, n’y a-t-il pas assez de résolution dans le Roi pour les suivre jusqu’au bout ! Les coups de fusil courent les rues de Versailles, le galop des chevaux des gar-

  1. Révolutions de Paris, par Prudhomme, n. 13.
  2. Mémoires de Rivarol. — Histoire de la Révolution de France pendant les dernières années de Louis XVI, par Bertrand de Molleville, an IX, vol. II.
  3. Mémoires de Mme Campan, vol. II.