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R’habillée, elle se rendait dans la salle destinée à la cérémonie de la remise. Elle y était attendue par le comte de Noailles, ambassadeur extraordinaire du Roi pour la réception de la Dauphine, par le secrétaire du cabinet du Roi, et par le premier commis des affaires étrangères. La lecture des pleins pouvoirs faite, les actes de remise et de réception de la Dauphine signés par les commissaires, le côté où se tenait la cour française de la Dauphine est ouvert. Marie-Antoinette se présente à sa nouvelle patrie ; elle va au-devant de la France, émue, tremblante, les yeux humides et brillants de larmes. Elle paraît : elle triomphe.

La Dauphine est jolie, presque belle déjà. La majesté commence en ce corps de quinze ans. Sa taille, grande, libre, aisée, maigre encore et de son âge, promet un port de reine. Ses cheveux d’enfant, admirablement plantés, sont de ce blond rare et charmant plus tendre que le châtain cendré. Le tour de son visage est un ovale allongé. Son front est noble et droit. Sous des sourcils singulièrement fournis, les yeux de la Dauphine, d’un bleu sans fadeur, parlent, vivent, sourient. Son nez est aquilin et fin, sa bouche, petite, mignonne et bien arquée. Sa lèvre inférieure s’épanouit à l’autrichienne. Son teint éblouit : il efface ses traits par la plus délicate blancheur, par la vie et l’éclat de couleurs naturelles, dont le rouge eût pu suffire à ses joues[1]. Mais ce qui ravit avant tout, dans la Dauphine,

  1. Mémoires pour servir à l’histoire de la République des lettres, vol. VIII.