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après les fugitifs, le même langage, la même tendresse. Il semble que ces amis aient emporté quelque chose de son cœur, tant le cœur de la Reine vit avec eux ! Rien de ce qui les touche, nul de ceux qu’ils aiment n’est oublié par elle. Elle prend sa part de tous les intérêts, de tous leurs attachements. Aux témoignages de son amitié la Reine associe les témoignages de ceux qui l’entourent. Tantôt elle met à ses lettres le sceau de deux lignes du roi ; ou bien elle fait place au bon souvenir de Madame Élisabeth, souvent même elle serre ses lignes pour introduire de l’écriture de ses enfants, comme si la Reine voulait déjà les préparer à l’héritage des amitiés de leur mère ! À la troisième page d’une lettre de la Reine, il y a trois lignes d’une écriture d’enfant : « Madame, j’ai été bien fâchée de savoir que vous étiez partie, mais soyez bien sûre que je ne vous oublierai jamais. » Marie-Antoinette a repris la plume des mains de sa fille, et a ajouté au-dessous : « C’est la simple nature qui lui a dictez ces trois lignes ; cette pauvre petite entroit pendant que j’écrivois ; je lui ai proposé d’écrire et je les laisséez toute seule ; aussi ce n’est pas arrangé, c’est son idée, et j’ai mieux aimé vous l’envoyer ainsi. Adieu, mon cher cœur[1]. »

Cette correspondance de la Reine avec madame de Polignac, est l’honneur de l’amitié ; elle en est le chef-d’œuvre. « Ce n’est pas arrangé, » comme dit la Reine du billet de sa fille, « c’est la simple na-

  1. Catalogue d’autographes, du 1er avril 1844.