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d’Ossun, ne pouvait voir sans dépit cette faveur nouvelle de la dame d’atours de la Reine. Les mots, les couplets, la satire se glissèrent et s’enhardirent dans le salon de l’ancienne favorite de la Reine, et l’ingratitude, à la fin, y faisait asseoir la médisance[1].

La Bastille prise, la Révolution victorieuse, les cris de mort s’élevant de toutes parts contre les Polignac, le danger de celle qui avait été son amie, ôtaient à la Reine le ressentiment, le souvenir même de tous ses griefs. Elle faisait appeler M. et madame de Polignac, le 16 juillet, à huit heures du soir, et leur demandait de partir dans la nuit même. À ce mot, la fierté des Polignac se réveille avec leur reconnaissance. Partir, laisser leur bienfaitrice, quand les jours de malheur sont venus, fuir quand le péril commence, n’est-ce pas déserter ? La femme et le mari refusent de céder au vœu de la Reine. Marie-Antoinette alors les prie, les supplie, les conjure, mêlant les larmes aux prières ; au nom de son intérêt même, elle leur ordonne de partir : Venez, Monsieur, — dit-elle au Roi qui entre, — venez m’aider à persuader à ces honnêtes gens, à ces fidèles sujets, qu’ils doivent nous quitter. Et, aidée du Roi, elle obtient enfin que son amie l’abandonne.

En ces derniers embrassements, l’amitié de la Reine se retrouvait tout entière et revenait à ses anciennes tendresses. À minuit, au moment où elle

  1. Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de la Marck. Introduction.