Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée

le pressentiment que les vaisseaux de la France rapporteraient d’Amérique quelque chose d’une république, sinon l’idée, au moins le mot. Cette conduite, l’accueil presque exceptionnel fait par la Reine à tous les Anglais présentés, ne faisaient point taire les haines du peuple anglais brûlant de se venger de la France, empêché de disposer contre elle des forces autrichiennes par ce traité de 1756 dont Marie-Antoinette sur le trône de France était le gage, impatient et contenu dans son île jusqu’à la rupture de ce traité, jusqu’à la déclaration de guerre des Brissotins à l’Autriche, jusqu’à l’arrestation de la Reine[1]. La Reine n’ignore point ces haines. Elle a peur de ce peuple, et elle ne peut prononcer le nom du premier ministre de l’Angleterre, le nom de Pitt, « sans que la petite mort ne lui passe sur le dos ; » ce sont les paroles mêmes de la Reine.

Cette alliance de l’Autriche et de la France était plus redoutée encore par une autre puissance, par la Prusse. Elle était, en effet, un rappel permanent au roi de Prusse de la ligue qui avait menacé d’effacer de la carte de l’Europe la monarchie prussienne. Aussi Marie-Antoinette était-elle entourée des agents secrets de la Prusse, épiant ses démarches, étudiant ses partisans, scrutant ses relations avec la famille royale, conspirant, en un mot, avec les agents de l’Angleterre.

Au nord, la Suède, plus blessée de la froide réception de Gustave III à Versailles que Gustave III

  1. Mémoires historiques et politiques, par Soulavie, vol. VI.