Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

Au-dessous du Palais-Royal, au-dessous du Temple, parmi tous les salons ouverts à la Révolution, depuis le salon de madame Necker, qui avait recueilli les philosophes de madame Geoffrin, jusqu’au salon de madame la duchesse d’Anville, qui accueillait Barnave[1], il en était beaucoup de plus hostiles encore à la personne de la Reine qu’aux idées de la contre-révolution : c’étaient les salons des femmes de la cour qui avaient eu à souffrir, pour elles ou leurs amis, de la faveur de madame de Polignac, et aux dépens desquelles la Reine avait bâti cette grande fortune, sans se soucier de leur amoindrissement. Et que de cercles de conversation autour de la Reine, dans sa maison même, où la conversation était une malice et une vengeance ! Combien de femmes ne commandaient pas mieux à leurs ressentiments que la femme du premier écuyer de la Reine, dont la survivance, espérée par son cousin le vicomte de Noailles, avait été donnée à M. de Polignac ! Combien de maîtresses de maison, comme madame de Tessé, laissaient faire à leurs amis et menaient elles-mêmes, avec les grâces méchantes de leur sourire et la philanthropie sentimentale de leur temps, la guerre de la déclamation, de la causerie et de l’esprit français contre la Reine de France[2] !

Le malheur voulait qu’à l’animosité des courtisans lésés et jaloux il se joignît l’ingratitude et la

  1. Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de la Marck. Introduction.
  2. Mémoires du comte de Tilly, vol. I.