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attachement sans crainte et de sa raison sans faiblesse. La Reine trouvait encore dans la tournure familière de l’esprit de M. de Vermond, dans cette brutalité du verbe quasi rustique qui jugeait et brusquait avec le bon sens les ministères et les systèmes, une grande raison de confiance. Puis M. de Vermond n’était pas un homme de réaction, comme l’ont peint les pamphlets de la Révolution. Il applaudissait alors aux plans de M. Necker ; il confessait au fond de lui-même la religion courante des esprits, les théories de réformes ; il se tenait entre l’opinion publique et ses ennemis. Par-dessus toutes ces vertus et tous ces avantages de directeur de la conscience politique d’une Reine, l’abbé de Vermond avait, aux yeux de la Reine, une qualité rare, la modestie de l’ambition, et rien ne la rassurait plus que l’engagement pris par lui de ne prétendre à aucun haut poste ecclésiastique. Marie-Antoinette ne savait pas que l’abbé avait l’ambition et l’orgueil de son temps, l’orgueil de ne rien être et l’ambition de tout faire. Que lui faisait la place et le personnage ? Il voulait le rôle et l’influence. Il visait depuis dix-sept ans à la position d’un Dubois sans portefeuille, ce grand ambitieux qui disait de Dubois : « Il eût dû faire des cardinaux, et ne jamais le devenir[1]. » L’abbé de Vermond parvenait à son but[2] : il

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I.
  2. L’abbé de Vermond, jusqu’aux années qui précédèrent la Révolution, avait souffert de la petite influence que lui avait gagnée sa longue intimité dans l’intérieur du ménage royal. Dès le mois de septembre 1773, l’abbé voulait se retirer, se