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son dernier né, le duc de Normandie, pauvre enfant venu au monde sans acclamations, sans vivats, bercé au refrain de la calomnie, et que la Reine aime d’autant plus. Toute son âme, c’est l’âme de sa fille, qu’elle guide à ses vertus, à la bienfaisance, à la charité.

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M. de Calonne ne pouvait être gardé plus longtemps. La Reine, qui n’avait fait que l’accepter, ou plutôt le subir ; la Reine, sans confiance dans le ministre, sans autre reconnaissance pour l’homme que celle d’une certaine courtisanerie à laquelle les ministres du Roi ne l’avaient guère habituée ; la Reine était encore entraînée par les dangers de sa situation, par l’incertitude et le peu de suite de la volonté du Roi, par cela enfin qu’elle appelait elle-même la fatalité de sa destinée[1], à remplacer M. de Calonne et à faire un nouveau ministre. Mais les exigences du parti Polignac avaient été pour elle un avertissement et une leçon. Dans la bonne foi de son esprit, dans la naïveté et la sincérité de son désir du bonheur de la France, Marie-Antoinette s’abandonna à l’expérience et à la tutelle d’un homme qu’elle voyait sans entourages et sans créatures, lié à sa fortune par un dévouement sans réserve et par le partage des mêmes inimitiés, attaché enfin à une certaine humilité de position qui lui défendait l’abus de l’influence. Quoi de plus excusable que ce choix fait par Marie-

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I.