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dissiper les ennuis de son front ; où le duc de Normandie, assis sur les genoux de sa mère, n’avait pas ce rire d’enfant dont parle Virgile, et qui commence à parler aux mères ; où cet autre fils de la Reine, déjà bien près de la mort, le Dauphin, montrait la bercelonnette vide de sa sœur, Béatrix de France, la seconde fille de Marie-Antoinette, morte à un an ; où la Reine elle-même semblait avoir été peinte dans le moment où la consolation de ceux qui lui restaient n’avait point encore effacé sur son visage le regret de celle que Dieu venait de lui enlever ; ce portrait de madame Lebrun, où tout parlait de la douleur d’une mère, on n’osait quelque temps le risquer au Salon du Louvre[1] !

La Reine renonçait alors à Paris, à ses spectacles, au spectacle des bouffons, qu’elle aimait tant. Désolée, découragée, elle renvoyait mademoiselle Bertin, elle quittait ses goûts et ses plaisirs ; elle se sauvait à Trianon, et s’y retirait avec ses larmes. Que ce théâtre de tant de jeux, que le ton même des invitations de la Reine était maintenant changé ! Appelant ceux qui l’aimaient auprès d’elle, la Reine écrivait à Madame Élisabeth : « Nous pleurerons sur la mort de ma pauvre petite ange… J’ai besoin de tout votre cœur pour consoler le mien[2]… »

Tout le courage de Marie-Antoinette, tout son amour de la vie, ce n’est plus que ce bel enfant,

  1. Mémoires de la République des lettres, vol. XXXVI.
  2. Lettre autographe de Marie-Antoinette à Madame Élisabeth, communiquée par M. le marquis de Biencourt.