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écrit la justification des torts qu’on vous impute. » Cette apologie remise par le cardinal à madame de la Motte, madame de la Motte apportait, quelques jours après, ces lignes où elle faisait ainsi parler la Reine au cardinal : « J’ai lu votre lettre, je suis charmée de ne plus vous trouver coupable ; je ne puis encore vous accorder l’audience que vous désirez. Quand les circonstances le permettront, je vous en ferai prévenir ; soyez discret[1]. »

Et quels soupçons, quelles inquiétudes pouvaient rester au cardinal après cette impudente comédie d’août 1784, imaginée par madame de la Motte, où une femme ayant la figure, l’air, le costume et la voix de la Reine, lui apparaissait dans les jardins de Versailles et lui donnait à croire que le passé était oublié ? De ce jour, le cardinal appartenait tout entier à madame de la Motte. Les espérances insolentes qu’il osait concevoir de cette entrevue le livraient et le liaient à une crédulité sans réflexion, sans remords, sans bornes. Madame de la Motte pouvait dès lors en abuser à son gré, en faire l’instrument de sa fortune, le complice de ses intrigues. Elle pouvait tout demander au cardinal au nom de cette Reine qui lui avait pardonné, non avec la dignité d’une reine, mais avec la grâce d’une femme. Et c’est dès ce mois d’août une somme de 60,000 livres que madame de la Motte tire du cardinal, pour des infortunés, dit-elle, auxquels la Reine s’intéresse ; et c’est, au mois de novembre, une autre

  1. Mémoires de l’abbé Georgel.