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Mais lui-même, M. de Lauzun, n’est-il pas encore un historien à la Besenval ? Il y a, en effet, dans la vie du don Juan une page honteuse et un jour de défaite : c’est le jour où, la porte de la Reine brusquement ouverte, la Reine dit à M. de Lauzun, d’une voix et d’un geste courroucés, un Sortez, Monsieur ! [1] dont les Mémoires de Lauzun ne parlent pas.

J’allais oublier une dernière calomnie, la calomnie à propos de M. de Fersen ; mais celle-ci a pour garant moins encore que le témoignage de M. de Besenval ou de M. de Lauzun : elle n’a pour elle que la parole de M. de Talleyrand[2].

Que reste-t-il d’accusateurs à Marie-Antoinette ? Ses défenseurs : ceux-là qui ont dit que ce serait mal servir la mémoire de la Reine que « de tout nier, » qu’il fallait faire une part à ses faiblesses, passer condamnation sur les fragilités de son sexe et de l’humanité, et qu’il lui resterait encore assez de nobles vertus pour mériter la pitié, la sympathie, l’estime même de la postérité. Singuliers historiens ! pour prêter cette facilité à l’histoire et compromettre sa morale jusqu’à cette indulgence ! Amis

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I.
  2. Foreign reminiscences by lord Holland. — D’après tous les récits du temps, il faut le reconnaître pourtant, Fersen fut l’homme pour lequel la Reine eut l’amitié la plus vive, la plus tendre, la plus approchant le sentiment, ainsi que l’atteste la curieuse dépêche secrète du comte de Creutz, publiée par M. Geoffroy dans son livre sur Gustave III et la Cour de France.