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où, après un séjour de trois semaines à Chanteloup, et l’offre de sa fortune et de sa personne au maître de Chanteloup, il entrait dans le bal de madame de Noailles, apportant des nouvelles du ministre exilé. Reine, Marie-Antoinette n’avait pas oublié les reconnaissances de la Dauphine, ni le parent dévoué de M. de Choiseul, dont Louis XV avait puni le dévouement par une disgrâce. Mais suivons M. de Lauzun. Son régiment l’appelle ; il part, puis il revient, et sa faveur alors monte au plus haut degré. « La Reine ne me permettait pas de quitter la cour, me faisait toujours place auprès d’elle au jeu, me parlait sans cesse, venait tous les soirs chez madame de Guéménée, et marquait de l’humeur lorsqu’il y avait assez de monde pour gêner l’occupation où elle était presque toujours de moi. » Bref, à en croire M. de Lauzun, la Reine l’affiche, elle l’affiche à ce point que M. de Lauzun vient la supplier de diminuer « les marques frappantes de ses bontés. » Aux supplications de M. de Lauzun la Reine répond, — au moins faudrait-il douter de la parole ou de la mémoire de M. de Lauzun, pour douter de la réponse de la Reine, — la Reine répond : « Y pensez-vous ? Devons-nous céder à d’insolents propos ? Non, monsieur de Lauzun, notre cause est inséparable, on ne vous perdra pas sans me perdre[1]. » Cependant les ennemis qui lui font une telle faveur et les indiscrétions de la Reine déterminent M. de Lauzun, ce héros d’aventures, à fuir, à s’éloigner de la cour et à passer

  1. Passages retranchés des Mémoires de Lauzun, Revue rétrospective, vol. I.